Too much medicine
- Javier Jacqmin

- 28 sept.
- 4 min de lecture
Le British Medical Journal (BMJ), grande revue médicale internationale, a lancé l’initiative « Too Much Medicine » pour dénoncer les dangers du surdiagnostic et des traitements inutiles.
Derrière cette surmédicalisation : élargissement des définitions de maladies, dépistages systématiques sans preuve, pressions commerciales, attentes des patients, peur de l’incertitude…
"L’industrie pharmaceutique repousse les limites des maladies traitables pour élargir les marchés de nouveaux produits." Ray Moynihan
Soigner mieux, ou juste soigner plus ?
"Trop de médecine peut être difficile à comprendre, car elle est souvent contre-intuitive. Par exemple, il semble évident que les nouvelles technologies de diagnostic sont forcément bénéfiques, que détecter une maladie le plus tôt possible améliorera le pronostic, et qu'il vaut mieux agir (tester, traiter ou étiqueter) plutôt que d'attendre. Il peut être difficile pour les cliniciens et les patients d'être confrontés à l'incertitude quant à la cause d'un symptôme, et en tant que société, nous sommes devenus réticents à accepter la mort comme faisant partie de la vie."
L’industrie pharmaceutique investit plus volontiers dans des traitements destinés à des personnes en bonne santé que dans ceux pour des patients gravement malades. Pourquoi ? Parce que ces derniers meurent plus vite, consomment moins longtemps et rapportent donc moins...
Vous n’avez probablement pas besoin de multivitamines, malgré ce que les slogans marketing essaient de vous faire croire.
Une vaste étude menée sur plus de 390 000 adultes en bonne santé n’a trouvé aucun lien entre la prise quotidienne de multivitamines et une vie plus longue (Loftfield et al., 2024).
Chez les personnes sans maladie chronique, ces compléments n’apportent aucun bénéfice prouvé, et le CBIP rappelle qu’ils ne sont justifiés qu’en cas de carence ou de malabsorption (CBIP, s. d.).
🥗 Manger équilibré reste la meilleure “supplémentation” possible.
En parallèle, on assiste à une explosion des diagnostics : certaines pathologies sont bien connues, d’autres émergent. Mais face à tout ça, ce qu’il y a de plus difficile à faire en médecine… c’est souvent de ne rien faire. Attendre. Observer. Laisser du temps au corps. Dans bien des cas, c’est ce “wait & see” qui mène à une amélioration. Certaines thérapies, en réalité, n’ont d’autre effet que de combler l’attente – sans véritable plus-value.
L'excès de médicaments se caractérise par une augmentation des diagnostics ou de l'activité médicale pour un bénéfice limité, comme le décrivent Brito et al. dans leur article sur le cancer de la thyroïde.
« La preuve la plus convaincante du surtraitement des patients atteints de cancers à faible risque est que, malgré une multiplication par trois de l'incidence du cancer papillaire de la thyroïde au cours des 30 dernières années, le taux de mortalité est resté stable (0,5/100 000 en 1979 et 0,5/100 000 en 2009). »

"Les maux de la vie : la vieillesse, la mort, la douleur et le handicap sont imposés aux médecins pour éviter que les familles et la société n'y soient confrontées." Leonard Leibovici et Michel Lièvre"
Et si cela concernait aussi vos séances chez le kiné, vos rendez-vous médicaux, vos compléments alimentaires, voire certains traitements médicamenteux ?
Thèmes abordés dans cette vidéo :
le dépistage du cancer du sein
le traitement de l’hypertension artérielle
les antidépresseurs
les statines
La question de la surmédicalisation :
Chez nos aînés, on le constate chaque jour : des piluliers remplis, des traitements accumulés, des ordonnances qui ne se questionnent plus. Et si on pensait à déprescrire ?
Cela prend du temps : il faut observer, analyser, évaluer ce qui peut être arrêté… et surtout, expliquer au patient pourquoi. Quelle est la logique, le raisonnement, les risques, les alternatives.
"La médecine moderne affaibli la capacité des individus et des sociétés à faire face à la mort, à la douleur et à la maladie." Ray Moynihan
Vers une médecine plus partagée :
Heureusement, de plus en plus de patients s’interrogent. Ils veulent comprendre, participer aux décisions. Et c’est tant mieux : une médecine moderne est une médecine partagée. Notre rôle est d’informer, de guider, de favoriser une consommation plus réfléchie des soins.
Pour amorcer cette réflexion, voici 5 questions simples à poser à votre médecin ou thérapeute avant de commencer un traitement :
Ce traitement est-il vraiment nécessaire ?
Quels sont les bénéfices attendus ?
Quels sont les risques ou effets secondaires possibles ?
Y a-t-il des alternatives plus simples ou naturelles ?
Que se passe-t-il si on ne fait rien pour l’instant ?
Le BMJ appelle à réduire les soins non nécessaires et à se recentrer sur les patients qui en ont vraiment besoin, en n’intervenant chez les personnes en bonne santé que si les preuves sont solides.
Sources :
Too much medicine. (s. d.). The BMJ. https://www.bmj.com/too-much-medicine
Brito, J. P., Morris, J. C., & Montori, V. M. (2013). Thyroid cancer : zealous imaging has increased detection and treatment of low risk tumours. BMJ, 347(aug27 4), f4706. https://doi.org/10.1136/bmj.f4706
Loftfield, E., O’Connell, C. P., Abnet, C. C., Graubard, B. I., Liao, L. M., Freeman, L. E. B., Hofmann, J. N., Freedman, N. D., & Sinha, R. (2024). Multivitamin Use and Mortality Risk in 3 Prospective US Cohorts. JAMA Network Open, 7(6), e2418729. https://doi.org/10.1001/jamanetworkopen.2024.18729
CBIP. (s. d.). CBIP. https://www.cbip.be/fr/chapters/15?frag=16857

